7.9.09

Studio 115

J'adore enregistrer à la radio. Aujourd'hui c'était une fiction pour France Inter sous la houlette de Michel Sidoroff. Mon premier cachet comme acteur, je l'ai obtenu grâce à France Culture, il y a belle lurette, j'avais trois mots à dire, j'étais ravi. Imaginaire, cocasserie, intensité, drôlerie, et ce silence après la prise quand on sait que ça a été juste, sont régulièrement au rendez-vous, tout cela ensemble, en compagnie d'autres acteurs que parfois je ne revois que là, ou jamais, pourtant ensemble, et avec les bruiteurs que j'admire. Tant d'année de rencontres et de plaisir : un sourire particulier à Evelyne Frémy, Christine Bernard-Sugy et toi, Michel, bien sûr. Voici la cabine de réalisation depuis le studio...
Bruno Allain

3.9.09

Festival d'Avignon





Petite regard en arrière.
J'ai joué tout le mois de juillet mon solo "Inaugurations" pendant le festival d'Avignon à La Parenthèse avec la compagnie L'Art Mobile. Passionnant et épuisant. Le public était ravi... et moi aussi.


Cliquez !
Ici se trouve une interview sur le site Les Trois Coups
Ici se trouve la bande annonce de Inaugurations
Une tournée se prépare. J'en parlerai plus tard.

Bruno Allain

16.5.09

Résidence en Normandie 3

Lors de cette résidence, je rencontre les gens de façon inattendue. Je leur demande si je peux faire leur portrait à l'aquarelle tout en discutant. J'y parviens rarement à la première entrevue. Il y a un temps d'apprivoisement. Alors je reprends rendez-vous ou je me fie à l'improvisation...



13.5.09

Tête rectangulaire
Long nez légèrement incurvé
Yeux bleu clair presque transparents
Sourcils hauts lui donnant l’air étonné
Il bouge sans arrêt.
« Je n’aime pas ça », il dit.
Charpente de rugbyman
A fleur de peau
Mieux vaut être son ami.
Il se penche et tend le regard pour essayer de voir comment ça avance.
Je le dessine.
Je suis arrivé à l’improviste, je ne lui ai pas laissé le temps de réfléchir, « je vais vous faire le portrait, asseyez-vous là ! »
Il a dit : « non ça devait être le grand blond lui il est d’accord ».
Il s’est assis.
J’ai attendu avant de m’y mettre, le scruter, lui laisser un moment pour s’habituer à être dévisagé.
Un trait vertical et puis la discussion qui vadrouille comme ça sans rien d’autre…
« Faut me regarder de temps en temps sinon… »
Il essaie.
Je lâche la main
Elle court sur le papier
Le visage le mouvement
Les mots échangés ne sont que prétexte
Ombre lumière
Il est là, je le sens, presque là, il se cache encore, là sur la feuille,
L’encre s’apprête à devenir lui, les traits, les courbes, à l’évidence lui
J’insiste.
Je sais pourtant que je ne pourrai aller plus loin, il faudrait recommencer.
Tout recommencer.
J’arrête, je ne suis pas satisfait, je lui dis, je lui montre.
Il prend le croquis dans ses mains
Découvre
Petit temps de suspension
Sa trombine reste sans expression
- Putain ! c’est mon père, tu as fait mon père.
Il se lève.
- C’est pas vrai, mon père, tu as fait mon père, son regard triste. Je n’ai rien de lui, j’ai appris que c’était mon père il y a deux ans seulement, c’est pour ça que je voyais un psy. Putain ! j’ai le bras qui frissonne, tu vas me faire pleurer, la chair de poule, tu as fait mon père en me regardant c’est très fort. Quand je l’ai appris, je suis resté une journée entière devant sa porte il ne voulait pas me voir. C’était pourri chez lui, bord SDF, et puis on s’est apprivoisé et ça allait de mieux en mieux. Putain ! mon père, les gens disent que je lui ressemble, peut pas renier. Ma femme et moi on lui avait installé le téléphone, même pas ça chez lui complètement ailleurs, on s’appelait tous les soirs. Oui oui tous les soirs et puis un lundi rien, le mardi rien,le mercredi matin sonnerie : vous êtes monsieur Letellier ?  Non, j’avais pas le même nom que lui, fatal, mon père pour moi c’était le mari de ma mère mais j’ai tout de suite compris : il était mort. Mon père était mort. Je venais d’avoir un père et il était mort. Tous les autres qui l’ont laissé crever de misère me disaient : tu es de notre famille maintenant. Allez vous faire foutre. Si je les revois, je leur casse la gueule, ce sont eux qui l’ont tué. Moi, je n’ai rien de lui et toi tu te pointes on sait pas pourquoi et tu me fais le portrait de mon père c’est mon père putain ! je le garde.
Il est tourneboulé
Il se rassoit se relève
Bien sûr tu le gardes
Je signe le dessin
Je lui donne
Il est tout gauche avec son père entre les mains
On se reverra
En vrai je ne sais pas
Mais dans nos têtes
Dans nos têtes sûrement.

Bruno Allain

 

8.5.09

Résidence en Normandie 2

Poursuite de ma résidence sous les pommiers...



06.04.09
Je me rappelle, il y a 20 ans, je dînais dans une pension de famille à Porta dans les Pyrénées. Un enfant unique se débattait entre père et mère à la table voisine. Une discussion serrée. Les parents tour à tour jouaient les alliés. Enfant seul sans personne pour aller contre, il bénéficiait de temps en temps du soutien d’un parent face à l’autre. 
Aujourd’hui, je suis dans un restaurant de Pont-l’Evèque. Une enfant de 11 ou 12 ans dîne avec ses deux parents. Le plat de résistance est fini. Elle en a laissé une bonne partie dans l’assiette. Elle joue sur son téléphone portable. Les parents parlent entre eux. Les mondes sont séparés. Il n’y a pas de discussion. Il n’y a plus de question. L’enfant unique est seul. Les parents sont seuls. J’ai écrit dans un premier mouvement « définitivement » seuls. Exagéré sans doute mais c’est ce que je ressens. 
Cette absence de question me terrifie. Absence de question, absence de questionnement. Chacun reste sur sa position, sur ses gardes, dans sa forteresse perso. C’est à l’image de notre univers actuel. Ça se parle sans s’écouter. Ça se parle non pas dans le but d’échanger ou d’évoluer mais d’utiliser le possible dévoilement de l’autre, une faiblesse éclairée en quelque sorte, pour asséner sa propre vérité, pour le coincer, pour démontrer combien on a raison… Alors plus personne ne se dévoile, c’est-à-dire n’expose son questionnement, sa fragilité. 
Boule de neige. 
Quand le président se déplace, il monopolise des hordes de CRS pour que justement les questions ne viennent pas à lui, pour que justement nulle faiblesse n’apparaissent. Où que ce soit. Attitude arrogante qui évidemment engendre la violence. Oui, le président peut être faible. Faible momentané. Comme nous tous. Nous sommes faibles momentanés car nous sommes humains. Sinon, à l’aune du président, nous sommes notre propre pantin. 
Le pire, c’est qu’il n’est pas le seul en cause dans cette « marionnettisation ». Le monde que nous fabriquons, symbolisé par le portable, amplifie le penchant au repli sur soi. Il sépare. Il rigidifie. Il cloisonne. Il isole. Il attise l’agressivité puisqu’il éloigne de l’autre. Plus la vie nous fuit, plus l’agitation nous gagne. 
S’il vous plaît, engagez la conversation avec votre voisin, surtout s’il paraît à mille lieux de votre monde. Engager veut dire s’engager, donc se livrer, c’est-à-dire ne pas cacher sa fragilité, ses faiblesses, ses questions, les vraies, pas les ersatz… et là encore, je pense au président.    

07.04.09

La partie ancienne du cimetière me fait penser à une mer agitée. Rien n’est droit. Les tombes ont de la gîte. Les fondations penchent, s’effritent, parfois s’effondrent. Toutes sont de guingois. Les racines ont soulevé les dalles. Le gel a fissuré la pierre. Des croix perdent une branche. D’autres sont couchées, brisées en plusieurs morceaux. La houle gagne le granite. La mousse brune constellent les stèles. Des lichens jaunes d’or fusent comme des tâches d’aquarelle. C’est à se demander si ce ne sont pas les morts qui bousculent la caillasse à la recherche d’air et de liberté et qu’à force d’opiniâtreté ils y parviennent. Les morts aiment les étoiles.



10.4.09 

Allez au bar du théâtre. Vous la verrez. Elle est au zinc devant un café ou à une table en train de déjeuner parmi sa bande. Elle parle. Elle parle 80% du temps, les autres se débrouillent avec ce qui reste. Elle poursuit des centaines de conversations, celles entamées depuis la nuit des temps et qui durent : l’un, l’autre, comment tu vas, les gendarmes étaient encore au carrefour de la gare hier soir… Elle a l’œil partout. Elle vous regarde direct et l’instant d’après baisse les yeux comme une petite fille. Elle a le franc-dire et le parler-haut. Elle est toujours partante. Elle arrive et elle s’en va par la porte côté cour. A la revoyure, Wowol !

Le cinéma de Pont-l’Eveque, le Concorde, porte bien son nom. Lieu inouï. En ce moment se déroule le festival du film d’animation. Tout est gratuit, c’est-à-dire offert par la mairie. Un jury d’enfants décerne un prix en fin de semaine. La salle est pleine : mômes, parents. A la fois ça bruisse, à la fois ça écoute avec une attention surprenante. Monsieur Leforestier présente le film du moment au micro : technique 3D avec lunettes en carton pour voir le relief. En avant, c’est parti : voilà trois mouches en direction de la lune. Je me régale. De la séance. De l’ambiance. Je me régale du plaisir du patron. Faire partager la passion qui l’anime avec une générosité toujours neuve. Précieux. Tellement précieux par les temps qui courent.

Bruno Allain



3.5.09

Résidence en Normandie

Depuis mars, à l'invitation de Eric Louviot (Tanit Théâtre), je suis en résidence en Normandie autour de Lisieux une semaine par mois. Rencontrer, écrire, faire le portrait de mes interlocuteurs. A la suite de ce travail, j'élaborerai un texte pour deux acteurs qui sera représentée en 2010. Work in Progress, dit-on. En voici un aperçu...



















2 mars, 12h 53, sortie de l’autoroute, direction Lisieux, plusieurs ronds-points, paysage terre et paille, ciel bleu.
Arrêt déjeuner, menu 11 euros, le village s’étire le long de la nationale, élastique urbain,  camionnettes en série sur le parking. J’entre.
Une dame à la silhouette en tuyau de poêle m’indique « la table au fond où il y a deux messieurs ».
Je traverse la salle. Je découvre les deux messieurs côte à côte qui regardent la télévision dans la direction d’où je viens : l’un, mince, chemise verte et cravate mordorée, bouche en trait d’union, cheveux mi-longs plaqués ; l’autre, agriculteur ou maçon ou les deux, les cinq doigts de la main comme des pouces, trogne rouge, regard bleu turquoise.
Je m’assieds face au deuxième.
Je les salue.
Ils répondent poliment et retournent à la télé, une émission animalière, semble-t-il.
J’ai l’impression qu’ils s’y accrochent.
Une bouée.
Je fais irruption, juste sous leur nez, ça déchaîne des vagues : tempête sur la nappe en papier. Se taper le visage d’un inconnu, là, à cinquante centimètres…
Une bouée.
Je commande.
Ils mastiquent : l’un une bavette, l’autre une tarte. Silence. La télé occupe l’espace son, l’espace regard, l’espace angoisse.
L’ouvrier paysan bâtiment m’intrigue. Derrière la stature et la mine fermée en accent circonflexe, on sent les lézardes. Je pense à un vieux mur.
Bien que je sache la réponse, je lui demande : Lisieux, ça fait combien ? Dix ? Quinze kilomètres ? Il prend un temps de réflexion, la question est d’importance, puis répond :
- Bien quinze ah oui.
C’est tout ce qu’il dit. Voilà sa mine qui à nouveau pointe l’écran.
Il finit son dessert.
Il se lève.
Il murmure un au revoir.
Il s’en va.
Lui, j’aurais bien peint sa gueule.
Mon attention alors se reporte sur l’autre type situé en diagonale. Ses lunettes carrées lui donnent un air de voyageur de commerce. Je me mets à l’interroger : est-il de la région ?
- Non.
- D’où ?
- Sotteville-les-Rouen.
- Ah.
- Oui.
- Hon hon.
- C’est à côte de Rouen.
- Ah.
- Oui.
- Hon hon. Et vous travaillez dans quoi ?
- Informatique. Technicien sur les imprimantes.
Je m’exclame :
- Les gens comme vous sont précieux.
- Oh non, répond-il. Oh oui, corrige-t-il la seconde suivante.
Il rougit, je crois, à moins que ce ne soit une illusion.
La conversation s’engage : le métier, la crise, le chômage, le gouffre des banques, actualité oblige… Soudain les milliards d’euros tourbillonnent au-dessus de la table, font des loopings, s’échappent, reviennent, s’envolent à nouveau et disparaissent, définitif. Ah le paradis !
- Je n’ai pas trop d’opinion, confesse mon interlocuteur à plusieurs reprises. Il faudrait les chiffres.




















Enervé, voilà énervé
Froid
Envie d’un feu de cheminée
Regarder les flammes, rêver à rien
Cette nuit sans doute, sûrement
Peu dormi, pas de souvenir, si ce n’est celui de tourner et tourner et tourner encore
Rêve muet, les pires, qui ne disent rien
Ne te disent rien
Qui ne laissent rien au petit matin
Hors des courbatures et l’impression d’être à l’oblique

Alors faut y aller
Bonne humeur
Fausse
Ah ah salut Jules
Je lui fais le portrait
Sans le réussir
Sans le rater totalement
Un portrait tiède
Donc énervant
Foncièrement énervant
Et ça s’entasse
L’énervement s’entasse.

Bar du Théâtre
Il n’y a plus que ça à faire
Aller au bar du théâtre et regarder
Et laisser filer
Laisser partir
Laisser venir
Jour down dans la grisouille
Pour commencer, c’est toujours le potage
Commencer dans le potage
Dans « on sait rien, on sait pas, on sait plus
On a oublié son texte et on entre en scène »
Dans ce potage-là
A la vue de tous
A patauger
Voilà
Je commence comme ça
Je commence bien
Je commence comme il faut commencer
Sans filet
Santé.



















Deuxième jour
Des rencontres, des regards, des échanges, des tentatives, des esquisses, quelques notes…
Pas de pistes.
Trop tôt
Je ne sais où je vais
Ni ce que je cherche.
Faire l’éponge, c’est aisé sur le papier et inconfortable dans la pratique.
Je suis touché par les destinées, les passions, les contraintes, les espoirs, les inquiétudes de tous face à l’incertitude galopante du monde.
Partir, rester, tout est devenu voyage. 

4.2.09




Jeudi 12 février 2009

Théâtre à table au rez-de-chaussée
Soirée privée sur réservation

à 19h 30 Lecture joyeuse
Venez goûter, venez entendre
le vin des écrivains
De la piquette au vin divin, du Reginglot au Romanée Conti, le vin et ses hauts cris, Apollinaire ou Boris Vian …
Création & interprétation Bruno Allain

à 20h30 dîner
menu unique 35 € par personne
(spectacle compris)

Soupe de carotte à l’orange au cumin
Grande assiette casse-croûte
Café et gourmandises

Et à volonté pour accompagner la lecture :
Quelques petits vins des familles !

Pour ne pas manquer le début de la lecture
arrivée impérative à 19h 30
Réservation tél/fax : 01 42 64 64 39
Le rez-de-chaussée 65 rue Letort - 75018 Paris - M° Porte de Clignancourt

7.1.09

Dans le cadre de ma résidence d’écrivain au foyer de jeunes travailleurs de la rue Daubenton, résidence soutenue par la région Ile de France, je vous propose trois manifestations cinglantes et joviales autour de mes textes.
Votre présence m’importe et l’entrée est libre.
Bruno
Le vendredi 23 janvier à 18h30
« Je suis plusieurs je »
Au texte et au pupitre : Bruno Allain
A la composition et au piano : Jacques Bouniard
Des fois je me dis tu et on ne sait plus où ils en sont.
« Je suis plusieurs je » est une interrogation sur les méandres de la personnalité. Texte à tire-bouchons comme d’autres sont à facettes : ludique, poétique, boulimique, cinétique et autres ivresses en hic.
Le vendredi 30 janvier à 18h30
« Les théorèmes du ça »
Texte et lecture : Bruno Allain
Conférence avec verre d’eau
Depuis que je sais que mon ça a un ça, ça m’inquiète. Pire, ça me sape. J’ai éclairé tout ça avec des maths et ouf ça m’a tiré de là.
Le dimanche 1er février à 11h30, horaire matinal
« Là où j’en suis de l’écriture »
Apéro-lecture où seront évoqués « Chachien », « Perdus dans l’immensité » et autres de mes vertiges textuels proférés avec enthousiasme en public pour la première fois par moi-même et quelques complices acteurs.
Entrée toujours libre.