30.4.20

Avant C. / Pendant C. p6-9

Suite de la série Avant C. / Pendant C. avec C. pour confinement... Il suffit de remonter le blog pour voir les dessins précédents...

Théâtre, Bruno Allain, 07.04.20

Géolocalisation, Bruno Allain, 08.04.20

Livreur, Bruno Allain, 09.04.20

Apéro, Bruno Allain, 10.04.20

29.4.20

Avant C. / Pendant C. p2-5

Voici quatre nouveaux dessins de la série Avant C. / Pendant C. , avec C. pour confinement. Ils suivent le premier publié à l'article précédent. D'autres viendront. N'hésitez pas à me laisser des commentaires...

Identité, Bruno Allain, 03.04.20

La bourse ou la vie, Bruno Allain, 04.04.20

Bonjour!, Bruno Allain, 05.04.20

America first, Bruno Allain, 06.04.20

On ne doit pas s'habituer. C'est de notre ressort.
Une dame qui a vécu les camps de concentration raconte qu'elle ne peut remplir l'attestation de déplacement provisoire. Cela lui rappelle la période des ausweis, c'est-à-dire des laisser-passer. Pour elle, demander l'autorisation de sortir est impensable. C'est le retour aux heures noires. Et elle a raison. On ne doit pas s'habituer, alors que depuis le confinement, on s'y plie sans problème. J'y ai même trouvé personnellement une vertu, à savoir que chacun est responsable, chacun s'autorise, que la signature suffit... Une sorte de confiance accordée par les "autorités"... Un leurre en fait, car chacun ne s'autorise que dans un cadre strict ; pas plus d'une heure, pas plus d'un kilomètre... Or la police veille, le contrôle est latent, toujours possible, donc pleinement là. Une auto-autorisation factice qui brouille la perception que nous avons de la réalité, maquille l'effectivité du contrôle.
La société du contrôle cherche toujours davantage de contrôle. Il ne faut pas croire que c'est seulement un "danger". Non. C'est déjà là, sous nos yeux. En Chine d'abord avec le système du crédit social où le citoyen est noté selon son comportement, c'est-à-dire son comportement vis à vis de la ligne du parti; une note trop basse restreint la liberté de l'individu (déplacement, travail...) dont le visage s'affiche sur des écrans géants et que la sonnerie de portable permet d'identifier... Oui, il y a une dictature en Chine qui contrôle stricto sensu chaque personne, chaque geste, chaque pensée... Ici aussi ensuite, c'est déjà dans nos corps. A notre insu. Il suffit d'un virus pour que se montre au grand jour ce qui était caché. Même en démocratie, nous sommes tous sous injonction, la plus pernicieuse, celle que nous nous infligeons nous-mêmes. La sécurité est toujours invoquée pour faire admettre davantage de contrôle. Nous y sommes. Pour raison de sécurité, gardez vos distance. Pour raison de sécurité, restez chez vous. Pour raison de sécurité, pas de contact. C'est bien pour cela que la peur est entretenue, manoeuvre dans laquelle médias télé et réseaux sociaux ont une grande responsabilité; peur de l'autre, peur de l'avenir, peur de l'inconnu, peur de tout ce qui sort du cadre, peur de ce qui n'est pas contrôlé. Et pourtant...
L'incontrôlé est la liberté, l'inconnu est le moteur, la curiosité est l'élan que donne l'inconnu. La vie sous contrôle est une vie de zoo. Déjà finie. Faire acte de résistance est une nécessité. Un devoir. On ne peut s'habituer.
Bruno Allain, écrit le 27.04.20.

7.4.20

Avant C. / Pendant C.

Depuis le 2 avril, je réalise chaque jour un double dessin Avant C. / Pendant C.
C. pour Confinement, bien sûr. Voici le premier en clin d'oeil à Jesse Lyon dont le texte se trouve dans l'article précédent. Les autres suivront.

Ciel, bruno Allain, 02.04.2020

Nous en sommes à trois semaines de confinement. La période est inouïe. Sensation d'arrêt, de retenir son souffle. Je me rappelle une phrase écrite par les UPE2A lors de ma résidence au lycée Chennevière-Malézieux. Ces élèves ayant fui leur pays d'origine disaient :
"Pour vivre au présent, il faut imaginer un avenir : si on se trouve dans une situation où il n'y a pas d'avenir, on ne peut pas vivre au présent." (plus de détails ICI)
Ce sentiment de "pas d'avenir", ils l'ont éprouvé chacun au plus profond d'eux-mêmes, concrètement, à la fois cause et conséquence de leur exil. Peut-être vivons-nous quelque chose d'approchant. L'inquiétude générale n'est pas tant d'attraper le virus et de tomber malade que de s'interroger sur le devenir du monde. L'humanité s'estime toute puissante. Elle ne l'est pas. Elle pense/croit déterminer où elle va. Il n'en est rien. Aujourd'hui elle envisage que le chemin puisse s'arrêter, qu'il y ait une rupture, que le quotidien -c'est-à-dire pour les occidentaux, boulot frigo week-end apéro loisirs conso- soit bouleversé. Une incertitude s'insinue dans nos consciences, une possible impasse, un "pas d'avenir" collectif. Vers où se dirige l'humanité ? On ne sait pas; et plus frappant encore, cet incertain devient palpable, à l'image de cercueils alignés dans un gymnase... Et si cela permettait une renaissance de la notion d'utopie? Pas seulement de manière théorique mais jour après jour dans nos comportements et notre conduite du présent. Ce "pas d'avenir", je ne peux m'empêcher le jeu avec les mots, est un pas d'avenir, une avancée, une chance.
Bien sûr les forces conservatrices vont essayer de manipuler le réel pour que tout redevienne comme avant, avec l'intelligence perverse de tenir compte des changements qui s'opèrent mais seulement en surface, pour "calmer les esprits". Sauf que. C'est en profondeur que se modifie le paradigme, presque à l'insu de chacun. La prétention à la puissance est conservatrice. L'incertitude, elle, est créatrice.
Dans un monde apaisé, il ne devrait pas y avoir besoin d'assurances. Le système de l'assurance est né du péril, non pas de la vie mais de l'investissement matériel, c'est-à-dire est né du commerce et de la volonté de faire du profit. Ce n'est plus celui qui avance les finances (donc qui détient le capital) qui prend le risque mais un autre. Dans un monde idéal sans profit, il n'y aurait pas besoin d'assurances. Oui décidément je préfère la cigale à la fourmi. Mais sommes-nous sur une terre où ne règne que l'été ? 
Cela pose la question de l'autonomie et du stockage. Quand certains vident les rayons des supermarchés et par crainte entassent chez eux des denrées dont ils n'auront sans doute pas l'utilité avant la date de péremption, il s'agit bien d'un geste de fourmi, d'une caricature pour être plus exact. Comment modifier nos relations pour construire un monde assuré et non vivre dans un monde précaire où chacun s'assure comme il peut ? Cela nécessite une confiance globale que la notion de profit sabre en permanence.
Bruno Allain, écrit le 6 avril 2020.

1.4.20

Résidence au CRTH, l'atelier d'écriture à distance 1

En raison de la pandémie, le CRTH est fermé. Ma résidence n'est pas à l'arrêt pour autant. Emilie Bougouin et moi-même avons décidé de poursuivre l'atelier d'écriture en le proposant à distance. Chaque lundi, le temps du confinement, vous pourrez trouver une nouvelle consigne et la marche à suivre sur le site du CRTH
 ICI. 
Nous avons élargi l'information à l'ensemble de nos réseaux et déjà les premiers textes arrivent des six coins de l'hexagone... 




Par exemple celui de Jesse Lyon, danseur à l'Opéra national du Rhin :

29.03.20
C’est la première fois de ma vie que je vois un ciel bleu, juste bleu, sans aucune trace du chemin le plus court entre un point A et un point B. Un ciel vide. Il n’y a même pas d'oiseau on les a tous butés. Un ciel vraiment juste bleu. La première fois de ma vie qu'il n’y a pas d'homme au-dessus de ma tête. 
Du coup je m'allonge dans l’herbe et j'imagine un avion qui passe, j'imagine l'hôtesse de l'air qui pousse son chariot entre les sièges. Elle réveille ceux qui dorment, ils baissent leur tablette et mettent leur film sur pause. Une femme sort des toilettes Elle rentre le ventre pour passer entre l’hôtesse et son chariot. Il fait froid, un bébé pleure, heureusement ils distribuent des couvertures. Les gens sont un peu anxieux et pressés d’arriver. Moi allongé dans l’herbe je les vois et eux ne savent même pas quel pays ils survolent. 
Voilà ce que j’ai vu dans ce nouveau ciel bleu. J’y ai vu le ciel que je connais. J’imagine que ça veut dire que lorsqu’on va sortir on va tout reprendre comme avant, recommencer ce que l’on faisait. Comme quoi on apprend rien, on reproduit, c’est tout. Pendant un mois on va écouter les oiseaux qui disparaissent et observer les insectes qui ne s’écrasent même plus sur nos pare-brises. Ensuite on va simplement reprendre comme avant. C’est bien, on aura pris le temps de regarder une dernière fois ce qu’on va détruire. De toute façon, comment faire quand tout ce que j’arrive à voir dans ce ciel vide c’est ce que j’y ai déjà vu ?