7.4.20

Avant C. / Pendant C.

Depuis le 2 avril, je réalise chaque jour un double dessin Avant C. / Pendant C.
C. pour Confinement, bien sûr. Voici le premier en clin d'oeil à Jesse Lyon dont le texte se trouve dans l'article précédent. Les autres suivront.

Ciel, bruno Allain, 02.04.2020

Nous en sommes à trois semaines de confinement. La période est inouïe. Sensation d'arrêt, de retenir son souffle. Je me rappelle une phrase écrite par les UPE2A lors de ma résidence au lycée Chennevière-Malézieux. Ces élèves ayant fui leur pays d'origine disaient :
"Pour vivre au présent, il faut imaginer un avenir : si on se trouve dans une situation où il n'y a pas d'avenir, on ne peut pas vivre au présent." (plus de détails ICI)
Ce sentiment de "pas d'avenir", ils l'ont éprouvé chacun au plus profond d'eux-mêmes, concrètement, à la fois cause et conséquence de leur exil. Peut-être vivons-nous quelque chose d'approchant. L'inquiétude générale n'est pas tant d'attraper le virus et de tomber malade que de s'interroger sur le devenir du monde. L'humanité s'estime toute puissante. Elle ne l'est pas. Elle pense/croit déterminer où elle va. Il n'en est rien. Aujourd'hui elle envisage que le chemin puisse s'arrêter, qu'il y ait une rupture, que le quotidien -c'est-à-dire pour les occidentaux, boulot frigo week-end apéro loisirs conso- soit bouleversé. Une incertitude s'insinue dans nos consciences, une possible impasse, un "pas d'avenir" collectif. Vers où se dirige l'humanité ? On ne sait pas; et plus frappant encore, cet incertain devient palpable, à l'image de cercueils alignés dans un gymnase... Et si cela permettait une renaissance de la notion d'utopie? Pas seulement de manière théorique mais jour après jour dans nos comportements et notre conduite du présent. Ce "pas d'avenir", je ne peux m'empêcher le jeu avec les mots, est un pas d'avenir, une avancée, une chance.
Bien sûr les forces conservatrices vont essayer de manipuler le réel pour que tout redevienne comme avant, avec l'intelligence perverse de tenir compte des changements qui s'opèrent mais seulement en surface, pour "calmer les esprits". Sauf que. C'est en profondeur que se modifie le paradigme, presque à l'insu de chacun. La prétention à la puissance est conservatrice. L'incertitude, elle, est créatrice.
Dans un monde apaisé, il ne devrait pas y avoir besoin d'assurances. Le système de l'assurance est né du péril, non pas de la vie mais de l'investissement matériel, c'est-à-dire est né du commerce et de la volonté de faire du profit. Ce n'est plus celui qui avance les finances (donc qui détient le capital) qui prend le risque mais un autre. Dans un monde idéal sans profit, il n'y aurait pas besoin d'assurances. Oui décidément je préfère la cigale à la fourmi. Mais sommes-nous sur une terre où ne règne que l'été ? 
Cela pose la question de l'autonomie et du stockage. Quand certains vident les rayons des supermarchés et par crainte entassent chez eux des denrées dont ils n'auront sans doute pas l'utilité avant la date de péremption, il s'agit bien d'un geste de fourmi, d'une caricature pour être plus exact. Comment modifier nos relations pour construire un monde assuré et non vivre dans un monde précaire où chacun s'assure comme il peut ? Cela nécessite une confiance globale que la notion de profit sabre en permanence.
Bruno Allain, écrit le 6 avril 2020.

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