Je suis plongé dans l'écriture d'une saga théâtrale intitulée "Perdus dans l'immensité". La saison 1 "Tu trembles" a fait l'objet de nombreuses lectures et parmi les pièces qui la composent celle intitulée "La mariée" a été incorporée au spectacle "Les gens qui sont là près de moi" de la Compagnie L'Art Mobile. Voici qu'une partie de la saison 2 "Eblouissement" fait l'objet d'une mise en scène de Gabriel Debray au Local dans le 11ème arrondissement de Paris.
Aux actualités, on découpe
le monde en fragments hétéroclites si bien qu’on ne sait plus comment il va.
Eblouissement
est une tentative de recoudre les morceaux dans laquelle le regard sur
nous-même sert de fil réparateur.
A Voir absolument !!!
Voici une des scènes du spectacle :
Un homme (H1) regarde la
télévision. Une femme (F1) lui parle.
- Bouge
Cherche
Trouve
Tu envahis
Lève tes fesses
Tu es là, légume, tu consommes, tu
m’emmerdes
Tu ne
demandes rien, tu ne fais rien, tu ne parles de rien, tu es rien, tu es là
comme une vache avachie
Tu bouffes
Tu te gaves de ces trucs en
sachets plastiques qu’on trouve dans les distributeurs, tu te nourris au
distributeur, une vache qui ingurgite des compléments alimentaires, tu te gaves
de compléments, seulement de compléments, la gueule toujours ouverte devant le
distributeur, et c’est moi le distributeur
J’ai une gueule de
distributeur ? Dis-moi, regarde-moi !
- Tu bouches.
- Des compléments alimentaires qui
n’alimentent pas, des coupe-faim qui ne coupent rien au contraire, plus tu
ingurgites, plus le vide grandit, la gueule toujours ouverte, toujours plus
ouverte
Tu n’es qu’une gueule ouverte qui
ne dit rien, ne pense rien
Même pas obèse, sauf dans le
crâne, tellement congestionné là-dedans le neurone noyé dans la graisse à force
de regarder l’écran, asphyxié, obèse de la cervelle, mou, tout mou dedans,
dehors, tout pareil
Qu’est-ce qu’on fait avec les
limaces, dis-moi, qu’est-ce qu’on fait ?
- On se pousse, tu es devant, tu
bouches, pousse-toi, tu m’empêches de voir, la météo, « Pagaille à
Shangaï », le docu sous la mer, le débat sur la guerre
Et le film le match les actu le
bêtisier l’interview la pub et la rediff
La rediff je veux voir
- Se prend pour le nombril du
monde, se regarde tellement qu’il en a le vertige, ton reflet dans l’écran tout
le temps,
N’as pas marre de ta gueule sur
fond de carte postale, ta gueule superposée à celle de la présentatrice rouge à
lèvres les yeux piscine, ta gueule ouverte qu’ingurgite tout ce qui passe, une
gouttière, un tuyau, évacuation, égoût, tellement posé, grosse vache, répandu
sur le tapis, un ruminant, tu es, avec cloche autour du cou mais fais même pas
dong dong.
- M’énerve pas, tu insistes
Zing zing en dedans, pire qu’une
corde de guitare, j’ai pas l’air, tendu je suis, très tendu, ça pourrait bien
partir, fais gaffe, calme comme ça, posé comme tu dis, mais si tu savais en
dedans, adrénaline en stock, haute pression, ligne électrique 10000 volts
Pousse-toi
- La couleur du ciel, t’en
souviens-tu encore ?
- Qu’est-ce que j’en ai à
battre ? Je suis au chaud
Là dedans, dans l’écran, y a
toutes les couleurs que tu veux, des ciels rouges, des violets, des jaunes
d’or, même des noirs, des noirs plein d’étoiles
Le monde entier est là, qu’est-ce
que tu veux que j’aille foutre dehors ? Jamais je verrais tout ça, des
baleines rue Goncourt, y en a tu crois ? Le monde entier que je te dis,
que ceux qui ont tout vu, tous les trucs les mieux, ils me les montrent à moi,
à moi dans mon salon, qu’est-ce que je peux rêver de plus
Avachi oui oui, je revendique,
m’énerve pas
Ils disent sans arrêt, vous allez voir, continuez
avec nous, ça va être top, votre journal de 20h, votre film du soir, votre
émission préférée, votre jeu millionnaire
Et puis ils disent aussi : la
tempête, ne sortez pas, la pluie, restez chez vous, le soleil, cancer de la
peau, le gel, vous risquez de tomber, de vous casser la jambe, ne bougez pas,
sécurité sécurité, chez vous, c’est bien, on veille, on a changé tous les
programmes, ce soir exprès pour vous c’est la saga du rire
Moi, tu vois, c’est bon, j’écoute,
j’obéis à la lettre, moi aussi je veux, je regarde et je me marre.
Bruno ALLAIN
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